South by Southwest Interactive 2012 : La grand-messe interactive
Austin, mars 2012. Jamais ville ne se sera autant transformée autour d’un événement que la capitale du Texas. Chaque année, l’espace de 10 jours, Austin devient le centre du monde. Outre le festival de musique et du film, ce sont particulièrement les cinq jours dédiés au digital qui changent radicalement le visage de cette ville.
Car se sont près de 20’000 personnes venant de 63 pays qui envahissent le Austin Convention Center pour écouter les plus grands spécialistes du design, du développement, des médias sociaux et de l’innovation digitale. Quand nous entendions dire que tout le monde y était, l’affirmation était loin d’être fausse. Tout le monde y est ! Les plus grandes agences digitales, les startups de demain, les grandes marques, tous les grands noms que vous suivez sur Twitter y sont, tels Guy Kawasaki, David Armano, Al Gore et tous les autres.
Créé en 1987, South by Southwest (SXSW) était à l’origine un festival de musique qui a connu un succès fulgurant dès sa première édition. Ce n’est qu’en 1994 qu’une section Multimédia, renommée Interactive en 1999, sera ajoutée. Le digital ayant connu un essor fulgurant ces dernières années, il est aujourd’hui la section la plus imposante de ces 10 jours de festival.
Le plus impressionnant de cet événement, et qui semble paradoxal avec le chaos humain ambiant, c’est l’organisation millimétrée des 935(!) sessions réparties sur 5 jours et des animations annexes. Imaginez ouvrir le programme et avoir le choix entre presque 200 conférences, workshops, panels journaliers et ne pas posséder le don d’ubiquité. C’est probablement le premier sentiment qui envahit le nouveau festivalier, la peur de rater quelque chose. Tous les habitués du festival vous le diront, et il faut les croire sur parole : allez voir des sessions en dehors de votre domaine de compétence, passez plus de temps dans les bars et tentes alentours, n’hésitez pas à sortir d’une conférence dans laquelle vous piquez du nez et munissez-vous d’une palette de cartes de visite.
Autour des sessions elles-mêmes, une grande part du gâteau est laissée aux sponsors. Cette année, ce sont Microsoft, Chevrolet, Samsung, Pepsico, Dell, Fedex et quelques autres qui ont offert, chacun à leur façon, des services aux festivaliers. Espaces de recharge gratuite pour tous vos devices, profusion de boissons gratuites, repas gratuits, cadeaux promotionnels et j’en passe. Nous avons mangé et bu tous les jours sans sortir un centime de notre poche. Nous ne vous parlons pas uniquement de quelques hamburgers ou tacos extra-forts, mais également de repas complets, comme à l’espace VIP de Fast Company. C’est au SXSW que le mot « sponsor » prend toute sa démesure. Et inutile de vous battre pour avoir votre repas, les rues qui environnent le Austin Convention Center pullulent de marques qui veulent vous nourrir à tout prix. A Austin, vous êtes une « currency » qui vaut de l’or. Profitez-en.
Un marché de lancement incontournable
Imaginez maintenant ce marché de lancement avec un potentiel de pénétration sur 20’000 personnes. 20’000 personnes sur lesquelles vous pouvez potentiellement tester votre produit. A aucun autre moment vous n’aurez une telle occasion. Seul SXSW offre un terrain de jeu aussi énorme avec une population aussi qualifiée.
Quelques uns ont commencé leur carrière pendant cet événement, comme Twitter et Foursquare, mais beaucoup d’autres sont tombés aux oubliettes… c’est dire si SXSW peut construire des « success stories » ou les tuer dans l’œuf.
Un événement d’une telle ampleur est bien sûr un terrain propice, toujours faut-il savoir et pouvoir faire la différence avec vos concurrents pour attirer l’attention d’un public sur-sollicité. Entre les iPads à gagner, les objets promotionnels et les « sales pitches » rodés comme du papier à musique, c’est à celui qui saura captiver votre attention, qui aura les plus grandes chances de voir son produit émerger d’une marée de produits parfois équivalents. La concurrence est féroce, croyez-nous sur parole !
Sur cinq jours de festival, nous avons pu assister au lancement de plusieurs applications « sociales » comme Picle, Glomper, Highlight, Banjo, et à la présence de certaines autres qui peinent à décoller et qui profitent de l’événement pour tenter un « revival » comme Fotobabble. On finit par s’y perdre. Une chose est sûre, la réussite peut être le fruit de la providence ou d’un travail acharné, mais il est une chose que les entreprises qui pratiquent le « lean » ont compris, nul besoin de mettre tous leurs œufs dans le même panier pour le lancement d’un nouveau produit ou d’un service.
MVP (Minimum Viable Product) : voici une pratique qu’il convient d’observer de très près. Elle permet de limiter les frais à engager sur la construction ou le développement d’un produit tout en lançant sur le marché une version fonctionnelle pour l’utilisateur. Cette première version, donnant les fonctions de base du produit, vous permet déjà de récolter des réactions rapides de vos utilisateurs et de vous rendre compte du potentiel futur du produit. Faut-il continuer, faut-il s’arrêter ou faut-il modifier son produit ?
L’application Picle, développée par nos amis de Made by Many à Londres (voir article du Cominmag – février 2012), s’appuie sur la méthode du MVP. Le 7 mars, deux jours avant le début du festival, ils ont lancé une version du produit qui n’avait que les fonctions essentielles pour que l’application soit viable. Ils ont soigneusement préparé ce lancement en soutenant l’avancée du projet par des blogs posts invitant les utilisateurs à apporter leur feedback lorsque l’application serait disponible sur l’App Store. Brilliant! Les frais engagés sont moins conséquents, vous n’avez pas d’acharnement thérapeutique coûteux si le produit ne prend pas, vous profitez de la connaissance des « early adopters » et surtout vous pouvez rapidement adapter le produit sur la base des retours.
Résultats pour Picle ? Un taux de downloads inattendu, des idées fabuleuses apportées par la communauté et la consécration : un article dans Forbes qui titrait « Picle takes SXSW ». Tim Malbon, managing partner de Made by Many, n’en revenait pas. On peut aisément comprendre son émotion. Vous pouvez voir son interview sur notre chaîne Vimeo: vimeo.com/relaxintheair.
La chasse aux influenceurs
Le badge orange autour de votre cou vous donne une valeur que vous n’aurez certainement nulle part ailleurs. Si vous êtes à South by Southwest, votre voix et votre opinion ont un poids. Au sein de votre entreprise, auprès de vos clients, dans votre communauté ou dans votre réseau, vous êtes un ambassadeur, un influenceur potentiel que les marques ont tout intérêt à soigner.
Il y a deux façons d’aborder internet et le web aujourd’hui : au travers de la technologie et au travers de l’humain. Ce que nous devons apprendre et tirer comme leçon d’un événement comme SXSW, c’est que votre produit ou votre service ne pourra être viable si vous ne l’avez pas intégré dans une dynamique humaine.
Si nous reprenons l’exemple du MVP, son but n’est pas seulement de réduire les coûts d’un produit et de maximiser son lancement mais également d’intégrer l’utilisateur dans le processus de conception. Non seulement vous donnez une voix à des futurs influenceurs et vous maximisez la quantité des « early adopters », mais, et c’est probablement le plus important, vous donnez à votre produit une composante humaine unique dans laquelle vos utilisateurs s’approprient l’ADN de la marque et bien sûr du produit ou du service.
Pour ce faire, vous pouvez opter pour une méthode agile et peu coûteuse comme Made by Many l’a fait pour Picle : Du support online, des blogs posts, le contact direct avec les gens rencontrés à SXSW et l’usage de médias sociaux comme Twitter. Cette méthode fonctionne parfaitement pour des produits ou services online accessibles via vos devices usuels (smartphones, tablettes).
Si votre produit ou service inclut un achat plus conséquent comme un device par exemple, il vous faudra probablement engager des frais plus importants pour que vos ambassadeurs potentiels veuillent dépenser la somme nécessaire pour l’obtenir. A Austin, Nike a continué le lancement du Nike Fuel Band en créant une expérience personnalisée pour chaque acheteur. En devenant le propriétaire d’un bracelet Nike à SXSW, non seulement vous entriez dans une communauté de privilégiés (le lancement officiel du produit a eu lieu de 22 février), mais Candace, la personne qui nous a prise en charge pour toute la durée de la mise en marche (30 minutes) du bracelet, nous a vivement encouragées à prendre des photos et à les partager sur notre réseau.
L’exemple de Nike est extrême, mais illustre parfaitement le fait qu’il est de plus en plus difficile pour un produit ou un service de vivre ou d’être adopté par des utilisateurs uniquement pour ses qualités techniques.
Le networking décomplexé
Nous en arrivons à ce qui a été pour nous l’expérience la plus exaltante de SXSW. Vivre à grande échelle un réseautage décomplexé et totalement ouvert. Quelle que soit votre profession, votre renommée ou votre position dans « l’échelle de l’évolution digitale », you deserve a good hand shake, a bright smile and a business card .
A SXSW il n’existe ni ségrégation, ni barrières. Si vous croisez Seth Godin, dites-lui bonjour et serrez-lui la main. Si vous tombez sur David Armano, faites-vous prendre en photo avec lui. Difficile de savoir si cette magie est due à la ville, au soleil ou aux fameux BBQ texans, mais jamais nous n’avions vécu une telle facilité d’accès avec des participants et orateurs dans un événement. Après quelques heures, nous avions compris que saluer son voisin de table et engager la conversation était chose fort naturelle. N’oubliez pas de dégainer votre carte de visite, pendant SXSW, le « pitch elevator » est un art.
Nous disions plus haut que tout le monde était à South by Southwest, c’est vrai. Plus important encore, les gens que vous suivez online, que vous appréciez, avec qui vous avez déjà échangé des tweets ou dont vous suivez le flux Instagram sont probablement là aussi. Lorsque vous leur donnez rendez-vous ou que vous les croisez, la magie de ce networking décomplexé prend alors tout son sens: ce sont les retrouvailles de vieux amis, chaleureuses et sincères.
Notre première rencontre avec Laura Jul (Creative Strategist à Copenhague) a été très forte émotionnellement. Nous avions prévu de l’interviewer sur trois questions pour ne pas lui voler trop de son temps et nous sommes restées plus d’une heure à l’écouter. Elle avait pris la peine de travailler nos questions avant de venir à SXSW et elle s’est livrée avec passion et sans pudeur. Un moment unique que nous n’aurions probablement pas pu saisir ailleurs.
Nous avons également pu passer du temps avec Tim Malbon, qui nous avait invitées à participer à 50/50 Good, un projet collaboratif pour récolter des fonds en faveur de la Corne de l’Afrique (5050.gd/projects/toilet-to-pocket) et avec qui nous avons discuté de Picle et des projets en cours de Made by Many.
Une autre rencontre passionnante a été celle avec les Managing Partners de We Are Social (Milan), Stefano, Ottavio et Gabriele. Non seulement ces garçons étaient charmants, mais ils nous ont également livré leur vision sur les médias sociaux en Europe et leur évolution dans les mois à venir.
Vous pourrez retrouver toutes ces interviews, ainsi que celles de Benjamin Wiederkehr (Interactive Things – Zürich) et David Kadavy (auteur de Design for Hackers) dans notre chaîne Vimeo: vimeo.com/relaxintheair.
La conclusion de toute cette aventure se résume en quelques mots: South by Southwest, we’ll be back next year!
Sabine Dufaux et MC Casal
Relax In The Air
(version intégrale)